dimanche 21 septembre 2014

Noël avant l'heure - Humble Indie Bundle 12


Chers lecteurs, chères lectrices,

L'heure est grave. Après quatre mois de silence radio, j'aurais voulu vous revenir avec un article hyper chiadé mais je ne vais pas avoir ce luxe. Le temps presse. En effet, vous n'avez que jusqu'au mardi 23 septembre à 20h précises, soit à peine plus de deux jours à l'heure ou j'écris ces lignes, pour profiter d'une offre exceptionnelle : le Humble Indie Bundle 12!  Pensez-donc : dix jeux pour dix dollars! Mais qu'est-ce qu'un Humble Indie Bundle? De quels jeux parle-t-on? Est-ce que vous en avez vraiment quelque chose à secouer? Autant de questions auxquelles je m'efforce de répondre ci-après.

Tout d'abord, un peu d'histoire : les Humble Indie Bundles sont une initiative lancée en 2010 dans le but de promouvoir la scène du jeu vidéo indépendant. Le principe est simple : un bundle (= un lot) de jeux est mis en vente et son prix est laissé à la discrétion des acheteurs. Mais il ne s'agit pas simplement d'une bonne affaire. Les acheteurs choisissent quelle part de leur don est allouée aux développeurs des jeux, à la société qui organise les Humble Bundle, et à deux organisations caritatives partenaires : la Electronic Frontier Foundation, qui défend la vie privée et la liberté d'expression en ligne, et l'association Child's Play, qui fournit des jeux vidéo aux enfants hospitalisés. Ces Humble Bundles permettaient donc de soutenir une bonne cause tout en se procurant de bons jeux à un prix plus que raisonnable. Le bouche à oreille allait forcément faire son effet.

Et ça n'a pas loupé : la logique du "pay what you want" a plu, et les bundles sont partis comme des petits pains virtuels, levant au passage des sommes considérables. Depuis, la société responsable Humble Bundle Inc. a étendu son activité et propose des bundles hebdomadaires, des bundles thématiques (ebooks, jeux mobiles...), et même une boutique permanente (le Humble Store) qui dispose de ses propres soldes périodiques. Alors bien sûr, tout n'est pas rose : certains développeurs ont par exemple râlé contre le peu de dividendes qu'ils percevaient à l'achat d'un bundle contenant leur jeu, et il faut parfois savoir trier le bon grain de l'ivraie tant certaines éditions comprennent des jeux qui semblent relever du "remplissage" (selon la bonne vieille technique du "Alors Mme Michu, il y en a un peu plus, je vous le mets quand même ?").

Après ce bref détour historique, venons-en au fait : la douzième édition du Humble Indie Bundle est un bijou. Elle contient quelques-uns des jeux indépendants les plus marquant sortis sur cette dernière année. Si vous aimez les jeux vidéo mais que vous n'avez jamais trop mis le nez dans ce genre de titres, allez-y les yeux fermés, vous découvrirez plein de belles choses. Si vous aimez déjà les jeux indés, allez-y quand même, il y en a forcément un que vous n'avez pas, et ce serait cruel de le laisser passer à un prix aussi ridicule. Si vous n'aimez pas les jeux vidéo, allez-y d'autant plus : après avoir découvert avec ce bundle à quel point le jeu vidéo est un medium varié, vous les aimerez. Et si cette tirade ne suffit pas à vous convaincre, laissez-moi vous présenter rapidement ceux que je connais.

Papers, Please (Lucas Pope, 2013)


Avant de me laisser prendre par le temps, j'envisageais de consacrer à Papers, Please un article à part entière, car il s'agit d'un jeu profondément original, et profondément troublant. Vous y incarnez un guichetier à un poste-frontière de la république fictive d'Arstotzka. Jour après jour, vous devez donc vérifier les papiers des immigrants potentiels, et décider de leur sort. D'abord simple, puisqu'il s'agit uniquement de s'assurer des dates de validité des permis, le jeu se complexifie rapidement au fur et à mesure que la politique d'immigration devient plus restrictive. Les documents à consulter sont de plus en plus nombreux, les risques de fraude et donc d'erreur de votre part sont démultipliés, et la probabilité d'une retenue sur votre salaire est d'autant plus élevée.

Mais la retenue sur salaire n'amène pas à un simple game over : elle vous empêchera peut-être simplement de nourrir votre famille, de payer le chauffage, ou d'acheter les médicaments nécessaires aux malades... Cela donne à chaque décision des airs de dilemme. Et ces dilemmes doivent être résolus en temps limité, avec une interface qui rend volontairement palpable la pénibilité de ce genre de travail. Alors, quand une femme dont les papiers ne sont pas en règle vous demandera de la laisser passer pour rejoindre son mari, penserez-vous à elle, ou à votre famille ? Serez-vous une machine impitoyable qui applique le règlement à la lettre, ou essaierez-vous de vous opposer, même modestement, à cette logique inhumaine ? Papers, Please, avec son gameplay unique et son design minimaliste, parvient à déranger, à intriguer, à perturber. Et il se paye le luxe de le faire avec une bonne dose d'humour, et de ne même pas (trop) vous plomber. Alors soyez des citoyens vertueux, et courrez l'acheter. Longue vie à Papers, Please, longue vie à Lucas Pope, longue vie à Arstotzka !

Gunpoint (Suspicious Developments, 2013)


Changement radical d'ambiance avec Gunpoint. Ici, au lieu du garde-barrière, on joue un espion raté nommé Richard Conway. Dès l'intro, Conway est témoin d'un meurtre dont il est accusé à tort. Tout au long du jeu, il essaie donc de prouver son innocence en remplissant une suite de missions pour le compte de divers notables de la ville. Ces derniers le manipulent tous allègrement, et Conway essaie tant bien que mal de démêler le vrai du faux tout en faisant étalage de sa profonde stupidité : les dialogues sont très bien écrits (mais uniquement disponibles en anglais) et extrêmement drôles pour qui aime l'humour So British.

Mais le gameplay, me direz-vous avec pertinence ? Hé bien il est tout aussi alléchant. Il s'agit donc d'un jeu de plate-forme/réflexion au cours duquel Conway doit s'infiltrer dans des bâtiments vu en coupe afin de, selon les missions, hacker un ordinateur/voler des documents secrets/saboter un dispositif quelconque, etc. Pour ce faire, il doit se frayer un chemin entre les gardes, les caméras de sécurité, les chiens d'attaque, en restant discret si possible. Cela aurait pu donner un jeu d'infiltration drôle mais assez classique, mais ce serait sans compter sur l'idée de génie de Gunpoint : le crosslink.

Le crosslink, c'est un outil que Conway acquière assez tôt dans le jeu, et qui permet de reconfigurer le circuit électrique du bâtiment. On peut donc décider qu'ouvrir telle porte va non plus déclencher une alarme mais peut-être éteindre la lumière dans une pièce, ou encore qu'appuyer sur tel interrupteur appellera un ascenseur à l'autre bout du niveau pour détourner un bref instant l'attention d'un garde gênant, ce qui nous permettra de passer dans son dos incognito... Les possibilités, comme la phrase précédente, sont quasiment infinies. Gunpoint, en plus d'être drôle, devient donc dans certains niveaux un véritable casse-tête pour qui veut rester discret, et demande même parfois un peu d'adresse. Pour un premier jeu, c'est un coup de maître.

Prison Architect (Introversion Software, 2013)


Vous souvenez-vous de Theme Park, l'illustre jeu de Bullfrog sorti en 1994 dans lequel on vous proposait de gérer un parc d'attraction ? Derrière le design loufoque se cachait un jeu de gestion assez pointu. On menait de front la recherche et développement des futures attractions, la gestion du parc (employés, prix d'entrée, prix des consommations, taux de sel dans les frites pour gérer la soif du public...), et on prenait plaisir à torturer ses visiteurs en construisant des grand-huit infinis sur lesquels ils étaient bloqués pour l'éternité. Hé bien Prison Architect, c'est presque la même chose, mais avec au lieu de construire des parc d'attractions, on construit des prisons.

Si le thème est beaucoup plus sombre, il est tempéré par un design tout en rondeurs, et les prisonniers en deviennent presque attachants. Cependant, l'objectif principal reste de veiller à ce que ces derniers ne s'évadent pas. Et la manière dont vous vous en assurerez dépend entièrement de vous. Vous pourrez donc construire une prison à taille humaine, dans laquelle vous essaierez de réinsérer les prisonniers dans la société par le travail, par la religion ou par l'art, avec une batterie de psychologue en appui pour veiller à leur bien-être. A l'inverse, vous pourrez construire un quartier haute sécurité, une véritable Alcatraz virtuelle de laquelle les prisonniers, traités comme des numéros et parqués comme des animaux, n'auront pas la moindre chance de s'échapper.

Toutes ces options sont viables, mais elles seront difficiles à mettre en oeuvre car tout comme Theme Park en son temps, et peut-être même encore plus que ce dernier, Prison Architect est un jeu de gestion exigeant. Budget, recrutement, gestion des matières premières, design de la prison dans ses moindres détails, émeutes ; rien ne devra échapper à votre attention si vous voulez mener votre mission à bien. Le thème est sombre et pourra déranger (cf. cet excellent article sur la vision de la prison développée par le jeu), mais il serait vraiment dommage de passer à côté de mécaniques aussi bien huilées.

Et bien d'autres !

Comme je le disais plus haut, le temps presse, et cet article est déjà beaucoup trop long. Il y aurait pourtant encore beaucoup à dire sur cet Humble Indie Bundle numéro 12, que ce soit pour décrire l'action frénétique de Luftrausers (Vlambeer, 2014), l'aventure calme, solitaire et inquiétante de Gone Home (The Fulbright Company, 2013), ou encore la fuite en avant hypnotique et épileptique de Race the Sun (Flippfly, 2013). Mais il faut savoir s'arrêter. Je me contenterai donc d'être factuel : si vous payez moins que la moyenne des donateurs (=7,84$), vous aurez accès à quatre jeux. Si vous dépassez cet moyenne, cinq jeux supplémentaires sont débloqués, dont Papers, Please. Si vous allez jusqu'à 10$, vous aurez également Prison Architect. Je crois que vous savez ce qu'il vous reste à faire. Sauf bien sûr si vous n'en avez rien à secouer des enfants malades. Pas de problème. Je peux comprendre. Mais moi, maintenant que j'ai acheté ce bundle, j'arrive à me regarder dans la glace. Enfin c'est vous qui voyez.


1 commentaire:

  1. Moi j'ai joué à Race the Sun, il est super. Et je plussoie totalement pour Papers, please.

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