vendredi 18 avril 2014

DayZ : le paradis perdu

Logo DayZ

Cet article est une introduction à DayZ, le simulateur de survie de Dean "Rocket" Hall et Bohemia Interactive. J'en écrirai probablement d'autres sur le sujet, tant DayZ est un jeu particulier, qui met le joueur face à des dilemmes moraux parfois assez déstabilisants. C'est un tel phénomène de société qu'on en parle même sur une grande radio nationale! Enfin, jugez plutôt. (NB : cet article inaugure le glossaire pour les termes techniques, suivez les liens ! Par ailleurs, les prénoms ont été modifiés, mes camarades de jeu souhaitant demeurer anonymes.)

"Mec, t'es où ?" Le micro de José grésille légèrement quand il me parle via Skype.

Bonne question. Lorsqu'on fait ses premiers pas dans l'univers de DayZ, le dépaysement est total. D'abord, parce qu'au lieu des terres exotiques auxquels les joueurs sont habitués, on trouve une plage morne et un ciel gris. Ensuite, parce que si d'autres jeux fournissent une carte, une boussole, ou encore un HUD, DayZ vous laisse livré à vous-même. Et dans un premier temps, il faut bien l'avouer, franchement paumé.

Screenshot DayZ #1

"Attends je regarde la carte… je crois que je suis vers Solnichniy."

Heureusement, la communauté de DayZ est à la fois nombreuse (plus de 1.800.000 joueurs) et prolifique. Ses membres ont ainsi établi une carte interactive de Chernarus, l'univers fictif de DayZ, qui s'étend sur approximativement 225km² et s'inspire de la région de Povrly en République Tchèque, non loin de la ville d'où les développeurs sont originaires. Ces derniers ont modélisé la zone avec un souci du détail faramineux, et il en résulte un sentiment d'immersion prononcé ; sentiment encore renforcé par l'approche très simulationniste adoptée dans le contrôle personnage. Ainsi, contrairement à beaucoup d'autres FPS, DayZ propose une body awareness complète et permet, tenez-vous bien, de tourner la tête indépendamment du reste du corps. C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça... euh... c'est très utile, voilà. Tous ces facteurs contribuent à faire de DayZ le parfait simulateur de randonnée.

Alors on se prend au jeu, on apprécie le paysage, on regarde passer les mouettes... mais très vite les dures réalités de la vie virtuelle se rappellent à nous. L'état physique du personnage est indiqué par des monologues intérieurs affichés en bas de l'écran : "j'ai faim", "je ne me sens pas très bien", "je suis trempé"... Si on n'y prête pas attention, on s'expose à une mort lente et douloureuse. Je me dirige donc vers la ville la plus proche : elle constituera un point de repère pour retrouver José, et j'y trouverai peut-être des provisions. Malheureusement, les forces de l'ordre locales ne le voient pas de cet œil.

Screenshot DayZ #2

Si la silhouette inquiétante visible sur le logo du jeu ne vous avait pas mis la puce à l'oreille, vous avez maintenant une idée un peu plus précise de ce que signifie le Z de DayZ.

Z comme zombies, donc. Ces derniers ne sont pas forcément nombreux, mais ils courent vite et représentent une menace très sérieuse pour le joueur inexpérimenté. Mais José et moi ne sommes pas nés de la dernière pluie, nous avons fait nos armes sur les versions beta du jeu. Alors passées les premières frayeurs, nous gérons sans trop de problème les revenants, soit en les évitant, soit en leur réglant leur compte d'un bon coup de hache dans l'occiput (pour éviter d'ameuter leurs collègues avec un coup de feu). C'est peut-être un peu brutal pour vous, mais ça l'est encore plus pour eux.

Une des spécificités de DayZ est son univers persistant : à chaque connexion, on retrouve son personnage là où on l'avait laissé, avec tout son matériel. Au fur et à mesure des parties, nous accumulons donc de l'équipement (trousse de soins, réchaud, armes diverses, vêtements et sacs adaptés à nos besoins...), et cela nous emplit petit à petit d'un sentiment de maîtrise, de sécurité, presque d'insouciance. Ainsi, au bout d'une quinzaine d'heures de jeu, nous avons fait un long périple (de Solnichniy à Krasnostav en passant par Svetlojarsk, excusez du peu), et l'énième zombie que nous rencontrons n'est même plus une menace. Comme à l'exercice, nous avançons tous deux sur lui, la hache levée bien haut en une chorégraphie morbide. Nous frappons, le zombie tombe. José aussi.

Screenshot DayZ #3

"Putain j'suis mort. Putain, mec, tu m'as tué. PUTAIN."

Je me jette sur le corps et prends son pouls. Rien. Je l'ai tué. Une des autres spécificités de DayZ, c'est son système de permadeath. C'est-à-dire que la mort y est permanente : José ne va pas simplement charger une sauvegarde et me rejoindre frais et dispo. C'en est fini. Quinze heures de jeu envolées, pouf, à cause d'une simple maladresse. D'un seul coup, le jeu nous rappelle son caractère totalement impitoyable. Il faut toujours être vigilant. Cependant, par ailleurs, le malheur des uns fait le bonheur des autres. José mort, je suis maintenant absolument suréquipé.

C'en est fini du temps de l'innocence. A ma connexion suivante, je décide d'être bien plus méthodique dans mes déplacements. Pour éviter tout risque, je rampe dans les fourrés, ne m'aventure en terrain découvert qu'en cas de stricte nécessité, et contourne les zombies d'aussi loin que je peux. Je pars rejoindre Norbert, un autre survivant. Ensemble, nous serons plus forts. Et je me sentirai peut-être moins seul. Pauvre José...

En chemin, j'aperçois un autre joueur dans une vallée en contrebas. Il est poursuivi par deux zombies et court comme un dératé, ne sachant manifestement pas comment s'en sortir. Fort de mon expérience, je lui viens en aide : je m'agenouille, j'épaule tranquillement, et abats le premier de ses poursuivants. La détonation lui a signalé ma présence, et il court désormais dans ma direction. Pas sûr de mes intentions, il me hèle : "Friendly ? Friendly ?" Je le rassure en lui disant qu'il n'a rien à craindre de moi et j'aligne le zombie qui court dans  ma direction, tandis que l'inconnu arrive à ma hauteur et passe à côté de moi.

Screenshot DayZ #4

Le choc. Je suis inconscient. Qu'est-ce qui s'est passé ? Un zombie que je n'avais pas remarqué ? Un autre joueur qui nous aurait tiré dessus ? Puis, lentement, alors que mon personnage se vide de son sang, la vérité, terrible, m'apparaît. Il m'a tué. Le joueur inconnu a profité de ce que j'essayais de le sauver, et m'a tué sans aucun remords.

Et c'est là qu'on réalise la vraie force de DayZ. Ici, pas d'équipes clairement définies, pas de score, pas de gentils ou de méchants. Juste des joueurs dont les intentions sont au mieux inconnues, au pire trompeuses. L'univers du jeu est certes impitoyable. Mais la plus grande menace, ce n'est pas la faim ; ce ne sont pas les zombies. Ce sont les autres. L'homme est un loup pour l'homme, surtout si l'équipement de l'un fait envie au second. Je vais me recréer un personnage. Je vais parcourir Chernarus à nouveau. Mais est-ce que je pourrai encore faire confiance à un joueur inconnu ? Est-ce que je vais essayer de sauver mon prochain ? Rien n'est moins sûr.

5 commentaires:

  1. Tu m'as donné envie d'y joué, mince, j'ai déjà pas le temps de finir FTL en hard...

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  2. Ben moi, pareil, je suis en train d'hésiter sur Steam. J'ai plus qu'à refaire marcher mon pc :'( la pauv' bête se meure.
    En tout cas c'est toujours bien écrit! (Juste une phrase que, à mon avis, tu as écrit en plusieurs fois : "Chernarus, l'univers fictif de DayZ, Il s'étend sur" ça fait un peu bizarre.)

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  3. C'était le but ! Adrien, si c'est juste une question de puissance, mon PC suffit à le faire tourner dans des conditions tout à fait décentes, et c'est une config' de 2009... Et pour la phrase, effectivement, trop de brouillons tuent le produit fini, c'est corrigé :)

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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